10 h 35 - 11 h 05 / amphithéâtre

Pathologies et genre féminin : dépasser le sex-ratio ...

Dr Hervé Devilliers

Les différences entre les hommes et les femmes ne peuvent pas être réduites aux différences biologiques et génétiques entre les sexes : organes reproducteurs, concentration en hormones sexuelles et leurs effets sur la concentration du corps en graisse, expression des gènes X ou Y... En effet, le genre est en lien avec des comportements, une place dans la société, un mode de vie et une expérience différente de la vie. Ces derniers points déterminent l'accès au système de santé, et les interactions avec les professionnels et le système de santé : attitude face à la prévention, prescription (ou non) de traitement, demande d'avis spécialisé ...

La maladie cardiovasculaire, « classiquement masculine », exprime cette différence. En nombre absolu, les maladies cardiovasculaires tuent plus les femmes que les hommes dans les pays industrialisés. La présentation « atypique » de la pathologie coronaire serait plus fréquente chez la femme que chez l'homme (douleur atypique, symptômes non spécifiques : fatigue, symptômes « grippaux », anxiété ...). Par ailleurs, l'incidence de la maladie cardiovasculaire en Europe recule dans toutes les strates de la population à l'exception des femmes de moins de 50 ans, remettant en question la cible des programmes de prévention. Enfin, il est démontré que plusieurs aspects de la prise en charge médicale sont moins favorable chez les femmes : délai de prise en charge plus long, traitement moins conforme aux recommandations, procédures diagnostiques invasives moins fréquentes ... Ces données issues d'études récentes appellent à une remise en question du corps médical sur ces inégalités.

Cependant, dans certaines pathologies, le sexe féminin reste, à juste titre, un des arguments en faveur du diagnostic, comme certaines maladies auto-immunes (Lupus Erythémateux Systémique, thyroïdites auto-immunes et syndrome de Gougerot-Sjögren : 1H/9F). D'autres maladies ont un sex ratio clairement féminin, même si la maladie doit clairement être évoquée également chez les hommes : migraine, ostéoporose, cancer de la thyroïde, des voies biliaires ou de l'anus, asthme, maladie d'Alzheimer. Les différences entre les hommes et les femmes en termes de fréquence des maladies sont parfois clairement expliquées par la biologie (Lupus sensible aux œstrogènes), parfois plus mystérieuses ou clairement liées à l'évolution sociale des différences inter-genre. Par exemple, le sex ratio du cancer pulmonaire, proche de 1F/8H dans les années 60, est actuellement proche de 1F/2 à 3H, rendant compte de l'augmentation de la fréquence du tabagisme féminin.

En 2018, la pratique médicale doit s'adapter aux spécificités de chaque genre dans la prise en charge médicale, ce qui implique non seulement de connaître les pathologies spécifiques au sexe féminin, comme le cancer du sein ou l'endométriose, mais aussi de connaître les spécificités féminines des pathologies ubiquitaires afin de mettre en œuvre des stratégies thérapeutiques et de prévention adaptées.