9 H - 9 H 30 / Amphithéâtre

Les spécificités de la coronaropathie chez la femme.

Professeur Yves Cottin, cardiologue

La maladie coronaire est souvent considérée comme une pathologie masculine, mais elle représente en réalité la première cause de mortalité chez la femme dans les pays industrialisés. Mais, il existe un « paradoxe de la coronaropathie féminine » avec d'une part un taux global d'infarctus du myocarde inférieur à celui de l'homme mais d'autre part une mortalité significativement plus élevée. Ce paradoxe est multifactoriel, en effet il existe des spécificités physiopathologiques, épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la maladie coronaire chez la femme.

Les spécificités physiopathologiques

L'athérosclérose coronaire correspond à la présence de plaques d'athérome au niveau de l'intima des coronaires, en rapport avec les facteurs de risque cardiovasculaire classiques comme le diabéte, la dyslipidémie, le tabagisme, l'obésité et l'hypertension. La rupture de la chape fibro-athéromateuse ou « rupture de plaque » a pour conséquence l'apparition d'une thrombose occlusive complète, responsable de la majorité des syndromes coronariens aigus. Cependant dans environ 10 % des infarctus, il n'y a pas d'occlusion totale mais une ou des lésions coronaires non-obstructives. Les patients présentant des lésions non-obstructives sont généralement plus jeunes (60 versus 66 ans), mais surtout plus fréquemment des femmes à 56% contre 29% des hommes. Quatre mécanismes principaux à l'origine de ces lésions sont décrits dans la littérature :

a/ les érosions de plaques,

b/ les dysfonctions endothéliales,

c/ les dissections spontanées coronaires et d/ le spasme coronaire.


Spécificités épidémiologiques

Une large cohorte française menée par De Peretti C pendant 6 ans met en évidence une augmentation de 18% des infarctus chez les femmes entre 45 et 55 ans et dans le même temps une diminution de 8% chez les hommes. Au-delà de 55 ans, les taux diminuent chez les deux sexes mais de façon moins importante chez les femmes. De plus, les auteurs mettent en évidence que les décès d'origine coronarienne ont diminué chez l'homme quelle que soit la tranche d'âge, alors qu'ils ont significativement augmenté chez la femme jeune (< 55 ans).

Si les facteurs de risque cardiovasculaire majeurs classiques (âge et sexe, tabagisme, diabète, hypertension artérielle) sont communs dans les deux sexes, le tabagisme a un effet particulièrement délétère chez les jeunes femmes avec une majoration de 60% du risque de maladie coronaire par rapport aux hommes, même après ajustement aux autres facteurs de risque.


A chaque période son risque

Les évènements durant la grossesse sont très importants à connaitre pour le praticien dans l'évaluation du risque cardiovasculaire. En effet, même après ajustement aux facteurs de risque cardiovasculaires classiques, une hypertension gravidique, un diabète gestationnel, le faible poids de naissance et la durée de la grossesse deviennent eux aussi des marqueurs de risque cardiovasculaires à part entière.

Citons les travaux d'Irgens portant sur une cohorte de 626 272 naissances en Norvège avec un suivi des femmes de plus de 25 ans. Les auteurs montrent une augmentation du risque de décès cardiovasculaire de 20% sur le long terme après ajustement en cas de pré-éclampsie et de délivrance avant le terme.

En post-ménopause, l'augmentation du risque cardiovasculaire a longtemps été attribuée à la perte de l'effet protecteur des œstrogènes sur la paroi vasculaire. Cet effet est lié à l'inhibition de la prolifération cellulaire et la régulation du tonus vasomoteur, permettant l'amélioration de la régulation des lipides, de l'hypertension artérielle, de l'obésité et de la sensibilité à l'insuline. En raison de ces effets bénéfiques, il a été proposé pendant longtemps une substitution hormonale (THS) en post-ménopause pour réduire le risque cardiovasculaire. Mais les résultats des études sont résultats discordants. Ainsi la synthèse publiée dans la Cochrane montre une absence d'impact du THS sur la mortalité toutes causes et les infarctus du myocarde, mais un bénéfice significatif en cas de THS débuté dans les 10 premières années post-ménopause [RR (IC à 95%) : 052 (0.29-0.96), p<0.001)]. Dans l'évaluation du risque cardiovasculaire, une ménopause avant 45 ans est également associée à un sur-risque d'infarctus du myocarde avec une augmentation de 11 % dans toutes les études.


L'incidence de la coronaropathie progresse chez la femme et sa mortalité est plus importante que chez les hommes. L'ensemble des particularités de la coronaropathie de la femme impose de nouvelles voies de recherche et/ou de nouvelles stratégies pour optimiser sa prise en charge. Dans le même temps les Sociétés Française et Européenne de Cardiologie développent des programmes spécifiques pour améliorer le diagnostic, le dépistage et la compréhension de la coronaropathie de la femme.