Statines : faut-il diminuer nos prescriptions ?

Cochet

Pr Yves COTTIN
Cardiologue

Les bénéfices des statines en prévention secondaire après les événements cardiovasculaires sont bien documentés ; elles sont donc recommandées avec un niveau de preuve élevé dans les recommandations actuelles. Par contre, l'intérêt des statines en prévention primaire est plus complexe et en conséquence le coût-efficacité est plus controversé. Les opposants aux statines énoncent plusieurs raisons pour éviter les statines, notamment des inquiétudes sur les effets secondaires, l'absence de bénéfice sur la mortalité toutes causes, le coût et l'aversion philosophique au traitement médicamenteux. La dernière méta-analyse publiée dans la Cochrane Database, qui comprenait 18 essais randomisés (56 934 patients), Taylor et al. permet de répondre à ces questions. En effet, elle a démontré que la mortalité toutes causes et les événements cardiovasculaires mortels et non mortels ont été réduits de manière significative avec l'utilisation des statines en prévention primaire (9,3% vs 12,2%), et ceci, avec une excellente marge de sécurité. S'agissant des effets secondaires, dans la méta-analyse Cochrane, le taux d'interruption de traitement est le même parmi les sujets sous statine ou placebo (12%). «Ceci signifie que les taux d'effets secondaires étaient bien similaires dans le groupe statine et dans le groupe contrôle, et qu'il n'y a pas d'artéfact lié à des effets secondaires plus fréquents engendrant des interruptions plus fréquentes sous statine». Par contre, il est vrai, qu'il existe un risque «très légèrement accru de myopathie sévère, de rhabdomyolyse et d'AVC hémorragique sous statine», mais ces résultats n'altèrent pas le bénéfice sur les maladies athérosclérotiques. S'agissant du coût, la question est considérée comme «insignifiante maintenant que cinq statines courantes sont disponibles sous la forme de génériques». Reste «l'aversion philosophique» mais l'accumulation des preuves devrait convaincre ceux qui manifestent une opposition aux statines en prévention primaire de reconsidérer leur position.
Mais les médecins doivent tenir compte de deux évènements majeurs :
I) En France, une polémique médiatique a remis en cause l'intérêt des statines et l'impact sur l'observance des patients vis-à-vis des statines est maintenant connu. En effet, en prévention primaire, 24,3% des patients interrogés ont déclaré avoir l'intention d'arrêter les statines mais seulement 8,6% en prévention secondaire. Après modélisation, cette polémique pourrait engendrer 4992 événements cardiovasculaires majeurs dont 1159 décès par an si les patients arrêtent réellement leur statine ;
II) Les dernières recommandations américaines publiées fin 2013 innovent car elles ne retiennent plus des seuils, mais des contextes de prescription, en définissant quatre groupes de sujets auxquels une statine doit être prescrits :
1- Les sujets de plus de 21 ans, porteur d'une maladie athéroscléreuse diagnostiquée ;
2- Les sujets présentant un LDL cholestérol supérieur à 190 mg/dL ;
3- Les diabétiques de type 1 ou 2, de 40 à 75 ans ;
4- Tous les sujets âgés de 40 à 75 ans présentant un risque d'évènement d'au moins 7,5% à 10 ans.

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