Cigarette électronique : vapoter vaut-il mieux que fumer ?
Dr Jean-Loup DUROS
Médecin Généraliste
Brevetée en 2003 par Hon Link un pharmacien chinois, elle apparaissait au départ comme un gadget qui allait rejoindre le catalogue des autres fioritures, cigarettes à l'eucalyptus, poudre de perlimpinpin.
Même si les tabacologues et autres professionnels de la santé publique se déchirent, pour ou contre l'objet tant convoité, la cigarette électronique reste à ce jour un nouveau produit commercial. 500 000 personnes seraient en passe d'en consommer en France sur 14 Millions de fumeurs. 750 000 fumeurs arrêtent leur consommation, pour une durée d'au moins d'un an, tous les ans.
Ce produit n'a fait l'objet d'aucune AMM, il n'en avait pas l'intention et ne l'a toujours pas. Tout le monde s'en mêle, certains médecins qualifiés n'y voient rien de bien toxique pendant qu'une revue de consommateurs célèbre (sept 2013) fait des analyses avec un protocole déclaré «inédit» pour trouver des composés potentiellement cancérigènes.
Les boutiques spécialisées se multiplient avec un look particulier, les buralistes prennent peur et les laboratoires qui vendent des substituts nicotiniques se font des cheveux.
Comment ça marche ? Un embout, un réservoir avec e-liquide, nicotine ou non, multiples ingrédients (glycérine ou propylène glycol, arômes divers), une batterie. Le réservoir abrite un atomiseur qui convertit le liquide en vapeurs, ce sont des aérosols.
Les e-cigarettes sont soit jetables à 6 ou 9mg/ml nicotine, rechargeables avec ou sans nicotine entre 16mg/ml et 24mg/ml. Air chauffé à 60°, vaporisant le propylène glycol. Au Sahara, aux alentours de midi, aucun effet visible.
La composition générale :
Le propylène glycol : 600 000 tonnes industrielles produites par an, utilisation dans les cosmétiques, émulsifiant autorisé depuis 1981 par la FDA dans l'alimentation, excipient essentiel en pharmacie, sirop, pommades, gouttes nasales, collyre. La quantité délivrée est de l'ordre de 25mg/kg, reconnue comme admissible par l'OMS.
Le glycérol qui pourrait être dangereux si chauffé à 290° avec décomposition en acroléine.
La nicotine déclarée dans les cigarettes électroniques est sans commune mesure avec la réalité. Il semblerait que certaines marques européennes contrôleraient mieux cette concentration annoncée. Il apparaitrait de plus qu'elle joue un rôle mineur.
Alcool éthylique à 4,5%, à ne pas négliger. Il existe des marques sans alcool.
Des acides organiques qui confèrent à la vapeur d'eau une forme d'acidité.
Arômes du tabac, des fruits, épices et cuisine, divers, vapeurs poivre (Hit).
Nitrosamines et métaux lourds ont été retrouvés à des doses 9 à 450 fois plus faibles que dans la fumée de cigarettes.
Lutte contre le tabagisme : mis à part la tentation de vapoter là où il est interdit de fumer, la grande majorité des vapoteurs désirent baisser leur consommation, voire stopper le tabac.
70% des fumeurs déclarent avoir l'envie de baisser leur consommation jusqu'à l'arrêt. Pour autant une très petite minorité demande de l'aide, ou bien ils veulent essayer autre chose, voire déclarent essayer tout seul. Poursuivre à travers un geste d'inhalation, une consommation d'un produit inoffensif, suppléant le tabac tant décrié, n'est-ce pas le rêve de bon nombre de fumeurs qui de plus conservent leur autonomie ? (ou du moins le pensent-ils).
Les études comparatives avec les substituts nicotiniques commencent à sortir. «The lancet» montre que la proportion des abstinents à 6 mois est de 7,3% contre 5,8% dans le groupe nicotine patchs. L'indice de satisfaction est nettement plus important chez les vapoteurs 9/10 contre 5/10 pour les patchs.
Ce que l'on redoute et le doute des années à venir :
Que la dépendance comportementale ou gestuelle persiste longtemps au point de relancer au bout d'un an ou plus le processus d'addiction au tabac.
Qu'une nouvelle forme de consommation s'installe, aggravant pour certains la dépendance comportementale.
Qu'un certain nombre de jeunes se lancent dans le vapotage avant même de fumer. Aux USA le nombre de vapoteurs a doublé entre 2011 et 2012 au niveau du collège et du lycée. Est-ce une nouvelle porte d'entrée vers le tabagisme ?
Conclusion : en Faculté de médecine, les premières déclarations que nos maîtres faisaient dans l'enseignement de la tabacologie se résumaient par : «en matière de tabagisme, si cette addiction n'entrainait pas 60 000 décès par an, on ne serait pas là pour vous en parler» L'entretien motivationnel reste la principale arme des soignants.