Quand et à qui faut-il doser le P.S.A. ?

photo cuisenier jeanPr Jean CUISENIER
Chirurgien Cancérologue

Le cancer de prostate est aujourd'hui le plus fréquent chez l'homme (25000/an) dans notre pays. Ses traitements ont beaucoup changé et nous disposons de thérapeutiques nombreuses et d'une efficacité croissante : la prostatectomie totale par voie abdominale, par voie coelioscopique (maintenant assistée par robot), la radiothérapie externe gérée par ordinateur ou conformationnelle, la curiethérapie trans-périnéale, les appoints des hormonothérapies suppressives. Toutes sont efficaces sans être des panacées et entre les meilleures mains ont leurs morbidités, leurs échecs. Pour fréquent qu'il soit, le cancer de prostate n'est pas toujours mortifère. Nous savons tous que nombre d'entre nous mourrons même très âgés de causes variées et porteur d'un cancer de prostate asymptomatique et innocent dans notre mort.

Le dosage de P.S.A. (Antigène Prostatique Spécifique) est extrêmement sensible et sa pratique augmente le nombre de cancers asymptomatiques détectés. Sa sensibilité est entachée d'un certain manque de spécificité : la pathologie inflammatoire et infectieuse de la prostate fait monter le taux. Son taux est lié à la masse tumorale et il est admis qu'au-dessus de 12 μg/l le cancer est présumé métastatique. La croissance du taux et par-là même le pronostic est lié à une agressivité tumorale estimable sur les biopsies par l'indice cellulaire de Gleason.
La lutte anticancéreuse comporte le dépistage et le diagnostic précoce. Ceci ne peut se concevoir que si les investissements faits dans ces pratiques de masse changent la survie de la population sans augmenter la morbidité et bien sûr la mortalité.

A ce jour aucune des enquêtes épidémiologiques solides faites dans le monde n'a pu montrer cette efficacité. En grande partie car il n'y a pas de série épidémiologique suivie avec des sujets dépistés par le PSA seul contre des sujets diagnostiqués pour des troubles cliniques. Ce cancer peut prendre des aspects chroniques tels que l'avance au diagnostic n'a pas fait sa preuve d'efficacité en terme de survie, en particulier chez des patients de plus de 65 ans.
Il est pourtant avéré que le dosage permet un diagnostic plus précoce pour un taux de P.S.A. supérieur à 4 μg/l :

  • trois ans à l'avance par rapport à la clinique avec une sensibilité et spécificité de 75%
  • six ans à l'avance avec 67% de sensibilité et 85% de spécificité.

Mais dans les essais utilisables testant dépistés contre non dépistés il n'y a pas de différence décelable en terme de mortalité par ce cancer. Il n'y a donc jamais eu nulle part de dépistage de masse proposé compte tenu de ces données.

En terme de traitements, les essais randomisés publiés, montrent une modification de mortalité globale de 24% pour la prostatectomie totale contre 30% pour l'expectative armée (1) mais avec des différences qui montrent des gains de 5% en moyenne voire à la limite de la significativité. Le gain s'accroît pour une population de moins de 65 ans, où autrement formulé pour des sujets dont l'espérance de survie est supérieure à 10 ans. Ceci pousse à utiliser cette recherche à titre individuel avant 65 ans.

La difficulté du choix s'accroît encore quand on mesure la morbidité des traitements. Une vaste revue récente de la littérature anglo-saxonne sur le sujet montre que :

  • L'incontinence urinaire est une séquelle chez 35% des opérés et 12% des irradiés mais chez 11% des patients traités par antiandrogènes.
  • L'impuissance chez 58% des opérés, 43% des irradiés et 86% des traitements hormonaux.
  • Les diarrhées se voient chez les irradiés et autant chez les traités par hormones : (3%) mais peu chez les opérés (1%).

Tout ceci fait que le dosage du PSA peut être proposé à titre individuel chez un patient de moins de 65 ans mais semble déraisonnable sans symptôme après cet age. Son élévation devra être vérifiée par un second examen à un mois. Il faut accompagner cette recherche d'un toucher rectal qui reste discriminant. De toutes façons il n'y a pas de diagnostic de cancer sans biopsies qui relèvent de l'urologue. Le conseil pour le traitement est difficile. Il dépend du premier thérapeute consulté avec des résultats à ce jour équivalents pour toutes les méthodes.
Pour mémoire ce dosage est le meilleur moyen de suivi pour la surveillance post thérapeutique. Avec un dosage tous les 3 mois pendant un an et tous les six mois ensuite pendant sept à dix ans.


(1)L'expectative armée comporte un contrôle biologique et clinique tous les trois mois. Cette proposition de pries en charge est légitimée par trois cohortes publiées de patients ainsi suivis et qui montrent :
- 80 patients d'âge moyen de 70 ans suivis 42 mois. A l'issue 64 restent sous surveillance, 11 ont été traités, et 5 sont morts d'une autre cause.
- 64 patients d'âge moyen de 68 ans suivis 82 mois en moyenne 37 non-traités suivis, 19 ont été traités et 8 sont morts d'une autre cause.
- 278 patients d'âge moyen de 69 ans suivis 40 mois en moyenne, 170 restent sous surveillance, 82 ont été traités, 26 sont morts d'une autre cause


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