Prise en charge d'une gammapathie monoclonale de découverte récente
Pr Jean-François BESANCENOT
Médecine Interne
La découverte d'une gammapathie monoclonale (GM) est un événement très fréquent, notamment chez le sujet âgé (1% de la population générale, 3% des sujets de plus de 50 ans, 10% après 80 ans), qui survient :
- Chez un patient présentant d'emblée des signes évocateurs de myélome ou d'un autre syndrome lymphoprolifératif (SLP), ou encore atteint d'une pathologie susceptible de comporter ce type d'anomalie.
- Mais souvent aussi chez un patient asymptomatique, dans le cadre d'un bilan systématique, ou devant une anomalie biologique : VS accélérée, hyperprotidémie sans déshydratation.
La prise en charge de cette GM comporte alors 5 étapes :
1) Confirmer la GM :
- Electrophorèse des protéines sériques (EPS) : pic à base étroite migrant au niveau des γ globulines, parfois des β (IgA, IgM), à différencier des hyper γ globulinémies polyclonales (dôme)
- Confirmation par immunofixation (IF) sanguine : un seul type de chaîne lourde : γ (IgG), α (IgA) ou μ (IgM)) essentiellement, et un seul type de chaîne légère : κ ou λ
- Couplage avec dosages pondéraux d'IgG, IgA et IgM pour quantifier l'anomalie, et pour évaluer une éventuelle diminution des autres Ig.
2) Penser à une GM associée à diverses maladies : infections prolongées et/ou sévères : bactériennes (endocardite, suppurations chroniques...) ou virales (VHC, EBV...), maladies auto-immunes systémiques (SGS, LED, PR...), cancers épithéliaux («syndrome paranéoplasique»), hémopathies non lymphoïdes (syndromes myéloprolifératifs, myélodysplasies...), déficits immunitaires primitifs, maladies rares (Gaucher)... Cette GM peut être transitoire et/ou régresser avec le traitement de la maladie sous-jacente.
3) Rechercher un rôle pathogène de cette GM : activité auto-AC (anti-GR et AHAI, anti-SNP et neuropathie périphérique...), cryoglobulinémie, hyperviscosité...
4) Eliminer un processus lymphoprolifératif (1/3 des GM), en distinguant 2 cas différents :
· Devant une IgG ou IgA monoclonale : éliminer un myélome, plus rarement un lymphome, une amylose :
- Absence de signes généraux, de douleurs osseuses, NFS, créatininémie et calcémie normales, IgG < 30 g/L, pas de diminution des autres Ig (polyclonales), absence de protéinurie (BU inutile).
En fonction du contexte (âge, état clinique, taux d'Ig), on complète par :
- Un myélogramme : plasmocytose < 10% (+/- biopsie ostéo-médullaire)
- Des radiographies du squelette axial : normales (+/- IRM rachis)
- Une immunofixation des urines : Bence-Jonesurie (chaînes légères κ ou λ) absente ou «discrète» (< 300 mg/24h)
- Des dosages de CRP, LDH, β2 microglobulinémie : normaux
- Eventuellement un dosage des chaînes légères libres sériques : en cours d'évaluation...
· Devant une IgM monoclonale : éliminer un Waldenström ou un autre SLP
- Pas de syndrome tumoral clinique, imagerie normale, NFS normale, IgM < 10 g/L (5 g/L)
- Puis éventuellement myélogramme +/- BOM : absence d'infiltrat lympho-plasmocytaire (< 10 %)
5) Affirmer une GM «bénigne» :
- En réalité, les GM bénignes, ça n'existe pas : 1% de transformation par an en myélome, Waldenström, LMNH, amylose... 20 à 30% après 20 ans. On parle donc de «GM de signification indéterminée» (GMSI) = MGUS
- C'est un diagnostic fréquent (2/3 des GM), d'exclusion, nécessitant un recul minimum d'1 an.
- Il est souvent difficile de faire la distinction entre GMSI et myélome indolent = smoldering multiple myeloma (SMM)
- Même si tous les critères de bénignité sont réunis au départ, un suivi prolongé est indispensable : clinique, NFS, créatininémie, calcémie, EPS (+/- dosage pondéral des Ig) systématiques à 6 mois, puis tous les ans (ou 2 ans). Il est nécessaire d'informer le patient sur le risque d'évolution et donc sur l'importance de ce suivi.
La prise en charge des GMSI constituant un enjeu médico-économique non négligeable, les travaux actuels s'attachent à définir des paramètres permettant de distinguer parmi les patients présentant une GMSI ceux qui resteront définitivement asymptomatiques, de ceux qui évolueront vers une maladie maligne.