AVK, les liaisons dangereuses

Dr Catherine SGRO
Pharmacologue

Les Anti Vitamine K (AVK) sont des médicaments encore non remplacés à ce jour par de nouvelles molécules indispensables à la prévention et au traitement de nombreuses maladies thromboemboliques artérielles et veineuses ; ils permettent d'en diminuer la morbidité et la mortalité. Néanmoins, une enquête, menée en France par le réseau des Centres Régionaux de Pharmacovigilance en 1998, a montré que les accidents hémorragiques liés aux AVK venaient au premier rang des accidents iatrogènes très souvent évitables. Des travaux ultérieurs ont bien montré les écarts entre les pratiques et les recommandations et ont particulièrement insisté sur les risques liés aux interactions médicamenteuses à l'origine de déséquilibre d'un traitement par AVK.

Les mécanismes potentiels des interactions avec les AVK sont nombreux.
- Les interférences avec la fonction plaquettaire (antithrombotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens), la réduction de la synthèse de la vitamine K par la flore intestinale (antibiotiques), la compétition au niveau de la fixation protéique (fibrates) potentialisent classiquement les AVK et entraînent un risque plus ou moins important d'hémorragies.
- Les interférences avec le métabolisme enzymatique (essentiellement par le Cyp P450 2C9) peuvent conduire à des inefficacités lors de la coadministration d'inducteurs (rifampicine) ou au contraire une augmentation du risque hémorragique lors de l'adjonction d'inhibiteurs (imidazolés, amiodarone, fluoroquinolones, antidépresseurs sérotoninergiques, millepertuis ou ritonavir).

Quelque soit leur mécanisme, connu ou non, toutes les interactions significatives sur le plan clinique et signalées au RCP doivent être anticipées : dans notre expérience, les plus fréquentes et les plus graves concernent les statines, le tramadol sous toutes ses formes, les IRSS, les quinolones.
Certaines sont rares, ou encore mal connues comme la résistance aux AVK sous azathioprine ou leur potentialisation par le paracétamol, la baisse de l'INR sous IPP.

En conclusion
Les interactions avec les AVK doivent être suspectées dès qu'une modification de l'INR survient.
Toute modification de traitement de plus de quelques jours doit faire l'objet d'un contrôle de l'INR.
La vigilance de l'ensemble des professionnels de santé s'impose (médecins, pharmaciens, biologistes, kinésithérapeutes, dentistes, infirmiers) et doit conduire à l'information individuelle des patients, la prévention de l'automédication, l'utilisation du carnet de suivi, le contrôle des INR. Ces mesures simples, devraient permettre d'améliorer le bénéfice et de réduire le coût humain et financier des effets indésirables de ces médicaments par eux-mêmes peu onéreux et efficaces.


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