Dépistage de l'insuffisance cardiaque du sujet âgé

photo eicherDr Jean-Chritophe EICHER
Cardiologue

L'insuffisance cardiaque représente un problème majeur chez le sujet âgé, avec une prévalence qui double chaque décennie, une mortalité sévère, et une morbidité lourde de conséquences économiques en raison des fréquentes hospitalisations et des problèmes de dépendance qu'elle génère.

Le diagnostic de cette pathologie chez le patient âgé est difficile, pour diverses raisons :
· La première est liée au manque de spécificité des symptômes (dyspnée, fatigue), et des signes cliniques (râles des bases, œdèmes) classiques de l'insuffisance cardiaque, très fréquents chez la personne très âgée, mais de signification souvent incertaine et non univoque.
· La deuxième, étroitement intriquée à la précédente, est relative aux diverses comorbidités très prévalentes dans ce contexte : pathologies respiratoires restrictives et/ou obstructives, obésité, handicaps d'origine ostéo-articulaire ou neuro-musculaire, insuffisance rénale, troubles cognitifs, brouillant l'interprétation des symptômes.
· La troisième est en rapport avec une forme d'insuffisance cardiaque particulièrement fréquente chez le vieillard, l'insuffisance cardiaque diastolique, qui s'accompagne fréquemment d'un électrocardiogramme normal, de l'absence de cardiomégalie radiologique, et d'une fonction systolique ventriculaire gauche normale à l'échocardiogramme.
· Enfin, la symptomatologie d'une véritable insuffisance cardiaque peut s'avérer totalement atypique ; les signes congestifs peuvent ne plus être au premier plan, remplacés dans les formes évoluées par des signes de bas-débit : troubles cognitifs, hypotension, chutes, troubles digestifs, insuffisance rénale...

Il faudra non seulement évoquer le diagnostic d'insuffisance cardiaque devant ces signes atypiques, mais également ne pas étiqueter trop rapidement «insuffisance cardiaque» un tableau de dyspnée, même s'il existe des signes de surcharge hydrique.
L'examen clinique doit être minutieux. Un souffle orientera vers une valvulopathie, mais peut être difficilement discernable, en cas de bas-débit, d'emphysème, d'obésité sévère. Les râles «crépitants» sont fréquents et peuvent être liés à une hypoventilation des bases, une pathologie bronchique, ou à une fibrose. Les œdèmes peuvent être d'origine veineuse, en rapport avec une insuffisance rénale ou une hypoalbuminémie, il peut s'agir d'un lymphœdème. Le bruit de galop reste relativement spécifique mais rare.
L'électrocardiogramme reste de règle, permettant de dépister certaines causes : séquelle d'infarctus, hypertrophie ventriculaire gauche, troubles du rythme ou de la conduction. Il peut cependant comme on l'a vu être strictement normal.
Le cliché thoracique garde son utilité, mais encore une fois la cardiomégalie peut être absente, ou trompeuse (simplement liée à une dilatation des oreillettes en cas de fibrillation auriculaire chronique). Il est souvent ininterprétable (cyphoscoliose, absence d'inspiration, clichés pris au lit ou en position assise, pathologies parenchymateuses associées...).
Le dosage du peptide natriurétique de type B (BNP ou Nt pro-BNP) présente un intérêt indiscutable, à la fois diagnostique et pronostique, largement évoqué dans la littérature récente. Il faut cependant tenir compte de son élévation avec l'âge et avec la diminution de la fonction rénale, et l'on manque de valeurs seuil précises. Il faut également savoir que l'élévation est moindre dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, et peut ne pas être détectée en cas d'OAP «flash».
L'échocardiogramme est l'outil diagnostique incontournable pour le diagnostic de l'insuffisance cardiaque. Il donne accès à une analyse morphologique et fonctionnelle complète : dimension des cavités, épaisseurs pariétales, fonction systolique et diastolique ventriculaire gauche, fonctions valvulaires, pressions pulmonaires, débit cardiaque... Il doit faire partie systématiquement du bilan d'une suspicion d'insuffisance cardiaque, mais doit s'interpréter encore une fois en tenant compte des comorbidités du patient.


Haut de page