Dépistage du cancer de la prostate : pour qui ?
Pr Luc CORMIER
Urologue
Le dépistage du cancer de la prostate fait toujours l'objet d'une controverse. Il y a une très importante étude européenne multicentrique (ERSPC) publiée récemment dans le New England Journal of Medicine qui démontre l'intérêt d'un dépistage de masse du cancer de la prostate. Cependant cet intérêt est contrebalancé par un risque majeur de «surtraitement» (c'est à dire traiter un cancer de la prostate qui n'aurait pas entraîné le décès). Une étude américaine (PLCO), elle aussi publiée dans le même journal, ne permettait pas de trancher en faveur du dépistage mais sa méthodologie était moins rigoureuse. Enfin une méta-analyse récente de la littérature portant sur le dépistage du cancer de la prostate n'est pas en faveur du dépistage de masse. Cependant, à cette «evidence based medicine» on doit opposer une évidence clinique : (1) le cancer de la prostate métastatique ne peut pas être guéri, (2) un cancer de la prostate pris précocement peut être guéri (mais avec sans doute des effets secondaires sur la qualité de vie), (3) un cancer de la prostate localisé ne donne jamais de symptômes, aussi seul un cancer de la prostate décelé par un dépistage peut être guéri.
Le cancer de la prostate est devenu aux Etats-Unis le premier cancer de l'homme et le deuxième cancer tous sexes confondus, aussi mettre en route un dépistage de masse c'est ouvrir la boîte de Pandore car, s'il est facile de dire qu'il ne faut pas traiter tel ou tel cancer ou tel ou tel patient en raison de son état général, il est très difficile de mettre en pratique ces principes en face du patient lui même.
Les Urologues proposent depuis des années un dépistage individuel et non un dépistage de masse. Le dépistage individuel repose simplement sur un devoir d'information de la communauté médicale envers les patients et doit souligner les avantages, les inconvénients et les inconnues du dépistage. Il faut noter qu'il existe en France un nombre de dosages de PSA réalisés très supérieur à ce qui est nécessaire, et une autorégulation médicale est sans doute indispensable.
Au final, le dépistage individuel doit faire l'objet d'un consentement éclairé comme pour tout traitement et on ne doit sûrement pas proposer un dépistage chez les hommes âgés et/ou ayant une espérance de vie inférieure à 10 ans.