Et si l'obésité n'était pas un risque cardio-vasculaire ?

photo cottin yvesPr Yves COTTIN
Cardiologue


Introduction
L'obésité est devenue un problème majeur de santé publique ; ainsi en France d'après la dernière enquête nationale ObEpi, menée entre 1997 et 2003, la proportion des personnes en surpoids ou obèses a progressé de 36,7% à 41,6% soit une augmentation de 13%. Cette enquête révèle également que le pourcentage d'enfants obèses ou en surpoids atteint 19% et que parmi les adultes de plus de 65 ans -hommes ou femmes- ce pourcentage atteint 15%. Ainsi, la France compte plus de 5,3 millions de personnes adultes obèses et 14,4 millions de personnes en surpoids. Un autre fait majeur émane des Etats Unis, ou, au-delà de l'obésité qui augmente, c'est surtout son évolution qui se modifie de manière asymétrique vers plus d'obésité morbide.

Obésité et évènements ischémiques et rythmiques
L'obésité confère un risque accru de maladies cardiovasculaires et plus particulièrement de maladies coronariennes. Les données récentes du registre Américain CRUSADE montrent que non seulement l'obésité est associée à un sur-risque d'infarctus du myocarde, mais surtout beaucoup plus prématurément. En effet sur une série de 111.847 patients ayant présenté un infarctus du myocarde, l'âge moyen est de 75 ans pour les plus maigres et 58 ans chez les obèses, et cette différence reste toujours significative après ajustement aux facteurs de risques cardiovasculaires. Un autre travail récent a suivi 2677 hommes et femmes après un infarctus du myocarde et mis en lumière un risque plus élevé d'évènements cardiovasculaires sur le suivi de 4 ans chez les patients ayant un IMC supérieur à 33.
De nombreuses études ont décrit une association entre l'IMC et les accidents vasculaires cérébraux. En effet, pour chaque augmentation d'unité d'IMC, il y a eu une augmentation de 4% dans le risque d'AVC ischémique et 6% pour les AVC hémorragiques. Ce risque accru d'accident vasculaire cérébral peut être attribuable à une plus forte prévalence de l'hypertension, de l'état prothrombotique et pro-inflammatoire qui accompagnent l'accumulation excessive de tissu adipeux, et surtout de l'augmentation des fibrillations auriculaires (FA). Cette évolution parallèle est déterminante puisque comme l'obésité, la prévalence de la FA est en forte augmentation et devrait doubler en 2040. L'augmentation de la prévalence de la FA peut être largement attribuable au vieillissement de notre population, combinée à l'amélioration du pronostic de l'hypertension, de la cardiopathie ischémique et de l'insuffisance cardiaque. Cependant, l'obésité en raison de ses effets hémodynamiques et structuraux peut également contribuer à l'accroissement de la prévalence de la FA. Récemment, une méta-analyse a examiné 16 études portant sur 123.000 patients pour évaluer l'impact de l'obésité sur la FA et a montré que les patients obèses avaient plus de 50% de risque de développer une FA, risque clairement corrélé à l'augmentation de l'IMC.
Déjà Hippocrate écrivait «La mort subite est plus fréquente chez ceux qui sont naturellement gras que maigres». L'étude Framingham Heart Study retrouve un nombre de morts subites 40 fois plus élevé chez les obèses que dans la population non obèse appariée. Les deux hypothèses les plus couramment retenues sont :
- une association positive entre un allongement du QT et l'IMC,
- des anomalies de la balance sympathovagale conduisant à un rythme cardiaque plus élevé et à une réduction de la variabilité du rythme cardiaque.

Statut de la réduction de poids
L'intérêt de la perte de poids sur le pronostic a longtemps été controversé : en effet des études anciennes décrivaient qu'en cas de surcharge pondérale, la perte de poids était associée à une augmentation de la mortalité. Ce point associé aux données précédentes sur le meilleur pronostic en cas pathologie avérée a fait naître une polémique sur l'impact pronostique de la perte de poids. En revanche, des études plus récentes ont démontré une réduction de mortalité, mais limitée à la seule réduction de la masse grasse.
Au-delà de cette polémique, il est maintenant bien démontré que chez les patients en surpoids, l'activité physique associée à une réduction calorique a permis une réduction de près de 60% du risque de développer un diabète, ce qui fait mieux que le traitement par la metformine. Dans une autre étude portant sur 530 patients, une augmentation de l'activité physique chez les patients en surpoids ou obèses s'accompagne d'améliorations significatives du contrôle des facteurs de risque et une tendance à une réduction de la mortalité toutes causes. De même, dans un travail portant sur plus 1500 patients obèses et présentant une cardiopathie ischémique, la perte de poids intentionnelle, grâce à un programme d'actions de type nutritionnel suivi pendant 6 mois, a permis d'obtenir une diminution significative des événements coronariens à 4 ans. Ces données ont été confirmées par une étude de la Mayo Clinic portant sur 377 patients qui a montré un bénéfice de la perte de poids sur un critère composite (mortalité et évènements cardiovasculaires). A la lumière des données actuelles, la perte de poids intentionnelle chez les patients en surpoids ou obèses avec une cardiopathie ischémique, et donc malgré le paradoxe de l'obésité, semble donc bénéfique.

Conclusions
Des preuves accablantes démontrent l'importance de l'obésité dans la pathogenèse et la progression des maladies cardiovasculaires. Les données actuelles suggèrent que chez les personnes souffrant d'obésité ou de surpoids, la perte de poids intentionnelle semble bénéfique dans la prévention et dans le traitement des maladies cardiovasculaires. Néanmoins, des recherches complémentaires sont nécessaires afin de confirmer ces résultats dans le cadre de grandes études randomisées, et également d'élucider les mécanismes conduisant au paradoxe de l'obésité.
Quoi qu'il en soit, si l'épidémie actuelle d'obésité se poursuit, il est probable que nous pourrions bientôt assister à un arrêt, voire une inversion des courbes d'amélioration de notre espérance de vie.


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