Les angiomes en 2012

photo vabres pierrePr Pierre VABRES
Dermatologue


Les angiomes cutanés sont fréquents mais de natures très diverses : il s'agit en effet soit de tumeurs bénignes, soit de malformations des vaisseaux sanguins ou lymphatiques de la peau et des parties molles. Les plus fréquents sont les hémangiomes du nourrisson (autrefois appelés «angiomes immatures»). Ces tumeurs vasculaires caractérisées par une prolifération rapide des cellules endothéliales apparaissent après la naissance puis augmentent de taille au cours des premiers mois de vie pour se stabiliser et disparaître ensuite spontanément et complètement. Si l'extrême majorité sont sans conséquence et ne nécessitent aucune prise en charge particulière, il en existe à l'inverse qui peuvent se compliquer (nécrose, ulcération) ou avoir des conséquences graves, fonctionnelles (amblyopie en cas d'atteinte palpébrale) voire vitales (dyspnée laryngée en cas d'atteinte mandibulaire). Il convient donc de savoir lesquels doivent être traités rapidement, puisqu'on dispose maintenant d'un traitement bien toléré et à l'efficacité spectaculaire, le propranolol.

A côté de ces tumeurs vasculaires existent de nombreux types de malformations vasculaires (capillaires, veineuses, artério-veineuses, lymphatiques, parfois associées entre elles) qui persistent tout au long de la vie. Les plus fréquentes sont les angiomes plans (malformations capillaires ou «taches de vin») dont l'étendue est très variable et qui peuvent siéger n'importe où sur les téguments. Contrairement aux hémangiomes, ils n'ont pas de relief et n'ont pas tendance à régresser spontanément, s'accentuant même progressivement. Rarement, ils peuvent s'associer à une atteinte méningée et à un glaucome lorsqu'ils touchent le territoire de la branche ophtalmique du nerf trijumeau (syndrome de Sturge-Weber) mais la plupart ne touchent que la peau et aucune exploration particulière n'est nécessaire. Le handicap esthétique peut être majeur en cas d'atteinte faciale, et il s'agit d'une indication à un traitement par laser à colorant pulsé, dont l'efficacité est le plus souvent excellente.

Les malformations artério-veineuses sont rares mais peuvent être très graves lorsqu'elles sont évolutives. Elles peuvent prendre initialement l'aspect trompeur d'un angiome plan, mais avec le temps elles deviennent, soufflantes, battantes, avec augmentation de volume et de la chaleur locale. Elles peuvent alors être responsables d'hypertrophies localisées (visage, segment de membre) par élévation du débit sanguin ou de manifestation ischémiques (nécrose). Leur traitement est complexe car les techniques de radiologie interventionnelle sont souvent insuffisantes et seule une chirurgie d'exérèse large peut en venir à bout lorsqu'elle est réalisable. Une exérèse incomplète n'aboutit qu'à des récidives et des amputations itératives. Les malformations veineuses, à l'inverse, sont des malformations à flux lent, se traduisant par des dilatations localisées des capillaires veineux. Si la plupart ne se traduisent que par des tuméfactions bleutées asymptomatiques, certaines deviennent douloureuses en se thrombosant, et les plus volumineuses peuvent entraîner une coagulopathie de consommation chronique du fait de la stase sanguine. Si elles ne se compliquent en général pas de migrations emboliques, elles peuvent parfois entraîner des CIVD. Les plus gênantes sont accessibles à une sclérothérapie par ponction directe à l'aide de diverses substances (éthanol, lauromagrogol...) selon leur volume et leur localisation. Les malformations lymphatiques (lymphangiomes) sont de deux types : macrokystique (tuméfaction isolée des paries molles), avec parfois augmentation de volume lors de poussées inflammatoires, ou microkystique, en nappes diffuses avec microvésicules lymphangiectasiques en surface. Elles sont parfois accessibles à la sclérose ou à la chirurgie. Dans tous les cas l'abstention se justifie lorsqu'ils ne sont pas symptomatiques. Ces malformations vasculaires sont parfois associées entre elles, et l'imagerie (échographie-doppler, angioscannner, IRM) est souvent indispensable pour en préciser la nature et l'extension. La confrontation des compétences au sein de réunions pluridisciplinaires est donc essentielle pour le diagnostic et la prise en charge optimale de ces affections très diverses.


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