Le suicide chez les soignants

Pr Bernard Bonin, psychiatre

En France chaque année 10000 personnes décèdent par suicide. Le phénomène suicidaire est complexe ; les études épidémiologiques mettent en évidence certains facteurs sociodémographiques : la fréquence du suicide, plus importante pour le sexe masculin, augmente avec l’âge. Les facteurs de risque se dessinent dans le champ psychopathologique (dépression, anxiété, maladie psychiatrique), familial (situations de rupture…) et social (isolement, perte du lien social). Les événements de vie (événements spécifiques, douleur, pathologie somatique) peuvent déclencher le processus.

Le fait de travailler, participant à l’intégration sociale, est en principe un facteur de protection par rapport au suicide mais il convient de distinguer le travail « constructeur de santé » qui s’effectue dans des conditions physiques, psychiques, ergonomiques idéales et le travail « destructeur de santé » où les conditions sont inadaptées.

L’association entre la fréquence du suicide et l’activité professionnelle doit être prudente, compte tenu des facteurs généraux précédemment décrits. Néanmoins certaines disparités professionnelles en matière de suicide sont évoquées avec des catégories professionnelles plus touchées : policiers, militaires, clergé pour les hommes ; professions libérales pour les hommes et les femmes.

Par rapport à la population générale, la mort par suicide apparaît 2 fois plus fréquente chez les infirmières, 3 fois plus fréquente chez les médecins (hommes, femmes) avec, pour certaines enquêtes, des spécialités plus fréquemment concernées : anesthésie, psychiatrie. Dans l’enquête menée en 2010 en France par la DREES, l’ORS, l’URML, 1 médecin généraliste sur 10 est en détresse psychologique ; cette fréquence apparaît plus importante en Bourgogne (presque 2 sur 10). Les traitements psychotropes sont « auto-prescrits », et les idées et projets de suicide sont plus fréquents chez les médecins exerçant seuls.

Outre l’interface vie personnelle-vie professionnelle, de nombreux facteurs spécifiques de stress sont décrits : charge de travail / confrontation à la souffrance, à la mort / conditions d’exercice / perte du respect de la fonction / harcèlement / violences de certaines situations, de patients, de familles, d’administrations / difficultés de gestion / contentieux.

L’épuisement professionnel, avec son vécu de dévalorisation, d’incapacité, qui peut mener à des conduites addictives, un état dépressif, a tout d’abord été décrit pour les professions de santé. Et l’investissement particulier des métiers de santé en identité n’est-il pas un facteur de vulnérabilité ?

Des pistes de prévention sont envisagées : information, méthodes de relaxation, groupes de parole, gestion des conflits, utilité des réunions professionnelles, médecin traitant, médecine du travail, associations d’aide aux professionnels de santé….